Le ‘Ijtihad et le Taqlid
La louange est à Allah le Seigneur des mondes. Que Allah honore et élève davantage le rang de notre maître Mouhammad et qu’Il préserve sa communauté de ce qu’il craint pour elle. Nous demandons à Allah qu’Il nous fasse apprendre ce que nous ignorons, qu’Il nous fasse nous rappeler de ce que nous avons oublié et qu’Il nous augmente en connaissances et nous Lui demandons de nous préserver de l’état des gens de l’enfer. Nous demandons à Allah qu’Il fasse que nos intentions soient sincères par recherche de son agrément.
L’ijtihad signifie extraire des jugements sur des questions qui n’ont pas été couvertes par un texte explicite qui ne puisse avoir qu’un seul sens. Le moujtahid, c’est celui qui à la capacité de faire l’ijtihad en mémorisant les versets qui sont des versets de jugement, les hadith de jugements, en connaissant leurs chaînes de transmission, en connaissant le degré de fiabilité des hommes qui composent ces chaînes de transmission, qu’il connaisse le nacikh (jugement qui abroge) et le mançoukh (jugement qui est abrogé), le ^amm (ce qui est d’ordre général) et le khass (ce qui est d’ordre particulier), le moutlaq (jugement dans l’absolu) et le mouqayyad (ce qui est restreint), tout en maîtrisant la langue arabe de sorte qu’il mémorise la signification des termes qui parviennent dans les textes (le Qour’an et le hadith) conformément à cette langue arabe dans laquelle est descendu le Qour’an, qu’il connaisse l’unanimité (ijma^) des moujtahjid qui l’ont précédé et le khilaf (la divergence des savants qui l’ont précédé). En effet, s’il ne connaît pas tout cela, il n’y a pas de garantie qu’il ne violera pas l’unanimité. Tout cela a été cité par le savant Zakariyya Al-‘Ansariyy dans son livre ‘Asna l-Matalib Charh Rawdi t–Talib. Le moujtahid c’est celui qui va déduire le jugement pour la communauté. En plus de tout cela, il est une condition qui est l’extrême perspicacité, la forte compréhension. Il est une condition que le moujtahid soit ^adl (digne de confiance ou juste). D’abord, c’est qu’il ne commette pas de grands péchés et qu’il ne persiste pas sur les petits péchés : il se surveille pour que les petits péchés qu’il peut commettre ne deviennent pas supérieurs en nombre à ses bonnes actions. Il est indispensable que ce soit un saint. L’opposé du moujtahid, c’est le mouqallid. La preuve que la parole du Prophète : (Naddara l-Lahou mri’an sami^a maqalati fawa^aha fa’addaha kama sami^aha faroubba mouballighin la fiqha ^indah) [rapporté par At-Tirmidhiyy et Ibnou Hibban]. Ce hadith signifie : « Que Allah accorde du bien et un visage resplendissant à celui qui a entendu ma parole, qui l’a bien comprise, qui l’a retransmise et l’a appliquée comme il l’a entendue ». Combien transmettent la parole et n’ont pas de compréhension et il y en a d’autres qui l’ont bien comprise et l’ont appliquée comme ils l’ont entendue. De ce hadith, on comprend qu’il y a des gens qui n’ont pas de compréhension mais qui mémorisent le hadith mais ils n’ont pas la capacité d’extraire les jugements à partir du hadith. Et dans une autre version : (faroubba hamili fiqhin ‘ila man houwa ‘afqaha minhou), ce qui signifie : « Combien de ceux qui transmettent une parole à ceux qui ont plus de compréhension qu’eux ». Il y a des gens qui vont transmettre un hadith à quelqu’un qui va avoir la capacité de comprendre ce hadith alors que celui qui le transmet n’a pas la capacité de déduire le jugement. C’est ce moujtahid dont il est question dans la parole du Prophète [rapporté par Al-Boukhariyy] : (‘idha jtahada l-hakimou fa’asaba falahou’ajrani wa ‘idha jtahada fa’akhta’a falahou’ajroun) ce qui signifie : « Lorsque le juge fait un ijtihad et qu’il dit juste, alors il aura deux récompenses ; s’il fait un ijtihad et qu’il se trompe, il n’en aura qu’une seule ». Il s’agit de celui qui est moujtahid : il est arrivé qu’il y ait eu des moujtahid qui avaient des fonctions de juge et de gouverneur par le passé. Il y a les six califes : Abou Bakr, ^Oumar, ^Outhman, ^Aliyy, Al-Haçan et ^Oumar Ibnou ^Abdi l-^Aziz. Ces six califes étaient moujtahid et étaient des gouverneurs.
La plupart des gens ne sont pas capables de déduire le jugement. Si tel est le cas des compagnons du Prophète, que dire de ceux qui sont dans notre époque ! Dans son époque, le Prophète a indiqué qu’il y a des gens qui ont la capacité de déduire les jugements à partir du hadith et des gens qui n’ont pas la capacité de déduire les jugements. Or aujourd’hui plusieurs prétendent pouvoir le faire alors que les savants des hadith, ceux qui rédigent dans la science de la terminologie du hadith, ont compté moins de dix compagnons moujtahid et d’autres ont dit qu’ils étaient environ deux cent moujtahid parmi les compagnons. Le Prophète avait des dizaines de milliers de compagnons. Comment n’importe quel musulman qui peut lire le Qour’an ou les livres de hadith peut-il prétendre : (ce sont des hommes et nous aussi nous sommes des hommes, nous n’avons pas à les suivre). La plupart des musulmans des trois premiers siècles n’étaient pas des moujtahid mais des mouqallid. Il a été rapporté dans le Sahih de Al-Boukhariyy qu’un homme était au service d’un autre et il a fait la fornication avec l’épouse de celui qui l’a employé. Son père voulait délivrer son fils de ce qu’il a commis et il a posé la question sur son jugement. Certains lui ont dit : (ton fils doit donner cent brebis et affranchir une femme esclave). Il a posé la question à des gens de science qui lui ont dit : (ton fils doit recevoir cent coups de fouets et être exilé pendant un an). Cet homme est parti voir le Messager de Allah. Le Messager lui a répondu ce qui signifie : « Il n’a pas à donner ce qu’ils t’ont dit mais il doit être fouetté cent coups de fouet et exilé un an ». Cet homme était un compagnon du Prophète et il avait posé la question à des compagnons. Le Messager nous a fait comprendre que certains qui ont écouté son hadith n’avaient pas une capacité de compréhension quand ils entendaient le hadith mais ils ne pouvaient que transmettre ce qu’ils entendaient du Prophète bien que ce soit des gens qui comprenaient la langue arabe. Il y avait un autre hadith rapporté par Abou Dawoud : un homme était en voyage et s’est retrouvé jounoub –il était dans un état où il ne pouvait pas faire la prière, il fallait qu’il fasse une purification– une nuit qui était froide. De plus, il était blessé à la tête. Il a alors demandé à ses compagnons : (je me suis réveillé jounoub et j’ai une blessure à la tête). Ils lui ont dit : (tu dois faire le ghousl). Il a fait le ghousl et il est mort. L’eau était extrêmement froide. Quand l’eau froide est rentrée dans sa blessure, cela a entraîné sa mort. Quand le Prophète a su ce qui s’était passé, il a dit ce qui signifie : « Ces gens-là ne sont pas aptes à émettre un jugement. Pourquoi n’avaient-ils pas posé la question, pourquoi est-ce qu’ils ont parlé de leur tête ?! ». C’étaient des compagnons et leur langue était la langue arabe. Malgré cela, ils ne sont pas arrivés au degré de l’ijtihad. Ils ont émis une fatwa sans science. Le Messager a dit ce qui signifie : « Ils n’avaient pas le droit d’émettre un jugement sans science ». Ce hadith indique que ce n’est pas n’importe quelle personne qui peut faire des déductions de jugements comme le prétendent à tort certains des gens de notre époque. Ils prétendent s’appuyer sur leur réflexion, ils ne suivent pas les moujtahid à qui Allah a accordé cette mémorisation et cette compréhension des textes comme les quatre imams et d’autres. Les quatre imams, leurs écoles sont bien connues, les avis qu’ils ont émis ont été repris par leurs élèves, ils ont été consignés dans des livres alors que d’autres que ces quatre avec leurs jugements n’ont pas tous été rassemblés et transmis par la suite. Il y a eu par le passé beaucoup de moujtahid. Certains étaient parmi les compagnons et d’autres parmi les successeurs des compagnons et d’autres parmi les successeurs des successeurs des compagnons. Leur voie était appliquée pendant leur époque. Certains, leur école était restée dans certains pays environ deux cents années comme l’imam Al-‘Awza^iyy. Ses ouvrages ne sont pas restés, ils ont été perdus. Malgré tout cela, nous ne disons pas qu’il n’y a plus d’ijtihad mais que c’est quelque chose de très difficile. Il est possible qu’il y ait dans cette époque un moujtahid mais il se peut que lui, il ne voit pas la nécessité de se manifester mais il dit : « les gens peuvent suivre les quatre écoles qui ont précédé ».
La preuve qu’il y a toujours lieu de faire l’ijtihad pour ceux qui sont aptes, c’est ce qu’a dit l’Imam ^Aliyy à Kamil fils de Ziyad, il lui a dit ce qui signifie : « Il y aura sur terre toujours quelqu’un qui sera apte à déduire les jugements sur les fondements que nous connaissons) [rapporté par Al-Baghdadiyy et d’autres]. Il n’y a pas d’ijtihad sur la croyance mais on se doit de suivre la croyance sur laquelle était le Messager et que les successeurs des compagnons –qui n’ont pas rencontré le Prophète mais qui ont pris la science des compagnons du Prophète– cette croyance nous a été transmise jusqu’à notre époque avec une chaîne de transmission ininterrompue. Pour la communauté, il n’y a pas de divergence sur la croyance, c’est-à-dire, ce qui est relatif à la connaissance de Allah comme le fait qu’Il existe sans endroit, au sujet des choses qui vont se produire dans l’au-delà, comme l’existence du Paradis, de l’enfer et que Allah est le Créateur de toute chose, des actes des esclaves, que ce soit les actes apparents ou des actes que l’esclave cache en son for intérieur. La majorité de la communauté, c’est-à-dire, ceux qui se disent musulmans n’a pas divergé mais il y a eu la divergence concernant les jugements. Il est arrivé parmi les compagnons du Messager qu’il y ait eu divergence sur certains jugements par exemple sur des questions qui ne se sont pas produites à l’époque du Messager. Par exemple, lorsqu’un homme meurt et qu’il laisse pour héritier un grand-père et des frères. Ceci ne s’était pas produit à l’époque du Messager et ce cas n’était pas cité dans le Qour’an. Certains compagnons ont fait l’ijtihad et leur effort de déduction du jugement l’ont amené a dire que le grand-père hérite tout comme les frères de cet homme. D’autres compagnons ont fait un ijtihad, ils ont dit que le grand-père est comme le père et que c’est lui seul qui hérite et que les frères n’héritent pas. Cette question a fait l’objet de divergence entre les compagnons moujtahid. Il n’y a pas de mal pour la communauté en pareille divergence. C’est une divergence qui porte sur un jugement. Il n’y a aucun mal à suivre le premier avis ou le second avis. Ceux qui ont donné le deuxième avis, c’était Abou Bakr et certains compagnons en accord avec lui et ceux qui ont donné le premier avis, c’est ^Aliyy et Zayd Ibnou Thabit.
Ce qui est dangereux, c’est de suivre les gens qui se sont écartés de la voie des moujtahid ou qui se sont autoproclamés mensongèrement moujtahid. Combien de mouhaddith –qui ont mémorisé des dizaines de milliers de hadith avec leur chaîne de transmission, plus de cent mille chaînes de transmission, ils connaissent cela par cœur– mais ils n’ont pas prétendu pour autant être des moujtahid. Certains d’entre eux suivent Malik, certains suivent Ach-Chafi^iyy comme Ibnou Hajar dont il a été dit qu’il était l’émir des croyants dans le hadith. C’était un Qadi –juge légal– selon l’école chafi^iyy. Il connaissait des dizaines de milliers de noms de compagnons –comme ceux qui ont entendu le hadith de Abou Hourayrah étaient huit cents personnes et que le nombre de ceux qui ont pris le hadith de Abou Bakr étaient de tel nombre–. Il connaissait par cœur tout cela. De nos jours, l’un d’eux ne connaît même pas dix hadith avec leur chaîne de transmission ! Comment osent-ils prétendre l’ijtihad ! La tâche principale du moujtahid c’est al-qiyas (déduction par analogie). C’est de comparer ce qui n’a pas fait l’objet d’un texte avec un cas qui a fait l’objet d’un texte, mais un cas qui présente des similarités avec le premier. Il faut se méfier de ceux qui incitent leurs disciples à faire eux-même l’ijtihad. Ceux-là sont des gens qui détruisent et qui invitent leurs disciples à détruire la religion.
Les savants des fondements de la religion ont dit que al-qiyas, c’est la fonction du moujtahid. Celui qui prétend être moujtahid et qui perturbe les musulmans dans la croyance, c’est comme Ahmad Ibnou Taymiyah qui a vécu dans le septième siècle de l’hégire. Il a donné des avis contraires à la Loi. Il a dévié des savants de l’Islam qui l’ont précédé sur environ soixante questions tout comme le Hafidh Taqiyyou d-Din As-Soubkiyy l’a affirmé. Il a prétendu que celui qui visite la tombe du Prophète ou d’un saint en recherchant les bénédictions de Allah est un associateur sauf celui qui visite pour lui passer le salam ou faire une invocation en sa faveur. Pour ces derniers cas, il reconnaît que c’est correct. Cet avis a entraîné beaucoup de perturbations. On trouve encore des gens qui l’appellent « Le Chaykh de l’Islam » et lui font de la publicité. Tous les savants de l’Islam depuis les compagnons jusqu’à nos jours y compris l’époque dans laquelle a vécu Ibnou Taymiyah, tous considéraient que visiter les tombes des saints ou des Prophètes est quelque chose de permis. Le Hafidh Al-Khatib Al-Baghdadiyy a rapporté que Ach-Chafi^iyy disait : « Je recherche les bénédictions par Abou Hanifah, je vais visiter sa tombe tous les jours ; si j’ai une affaire difficile, j’accomplis deux rak^ah et je rends visite à la tombe d’Abou Hanifah et je demande à Allah ce que je veux et rapidement mon affaire est réglée ». Les Imams des quatre écoles faisaient le tabarrouk.
Et Allah sait plus que tout autre.