Recommandation de Abou Hanifah à son élève
Ceci est la recommandation de l’Imam Abou Hanifah, que Allah lui fasse miséricorde, à son élève Youçouf Ibnou l-Khalid As–Samtiyy Al-Basriyy. Il a fait cette recommandation lorsque son élève avait demandé à son maître Abou Hanifah la permission de rejoindre sa patrie Al-Basra.
Lorsqu’il lui avait demandé l’autorisation de le laisser partir à Al-Basra, Abou Hanifah lui avait dit : « Non, attends que je te donne la recommandation de ce dont tu auras besoin pour côtoyer les gens et agir envers eux, pour connaître la manière d’agir avec les gens de science et pour que je t’explique quel est leur degré, comment éduquer ton âme, la manière d’agir avec les différentes personnes de la communauté et aussi la manière d’agir envers les gens particuliers tout comme avec les gens du commun, et également qu’elle sera la recommandation pour que tu te contrôles et que tu vérifies ce qui concerne le commun des gens.
Abou Hanifah lui a dit : « Ainsi quand tu vas partir avec ta science tu auras avec toi un outil qui te sera utile qui t’embellira et ne sera pas un défaut pour toi. Sache que si jamais tu agis en mal avec les gens, ils deviendront des ennemis pour toi, même si ces gens-là sont des pères et des mères ; mais si tu agis en bien avec les gens qui ne sont pas des proches parents pour toi à l’origine, ils deviendront pour toi comme des pères et des mères.
L’Imam Youçouf As–Samtiyy a dit : « Patiente avec moi encore un jour. Comme ça je pourrai me libérer pour toi et je rassemblerai pour toi toute ma bonne volonté, je te ferai connaître des choses dont tu me seras reconnaissant et avec lesquelles tu pourras te comporter. Mais il n’est de réussite que par Allah. »
C’est ainsi que Abou Hanifah parla à l’Imam As–Samtiyy pour qu’il attende sa recommandation.
Puis il lui a dit : «Bismi l-Lahi r-Rahmani r-Rahim, je vais d’abord te dévoiler ce que je me suis résolu à te dire ». Il lui a dit : « Je commence par ce dont j’ai connu de toi ».[1] « C’est comme si je te voyais entrer maintenant à Al-Basra et te diriger pour donner les preuves contre ceux qui t’ont contredit. Tu as été supérieur à eux et tu as donné les arguments à partir de ta science contre eux. Puis tu t’es replié pour ne pas les côtoyer et te mêler à eux. Tu les as quitté et abandonné et eux à leur tour t’ont abandonné. Tu les as insultés, ils t’ont insulté, tu les as jugé égarés, ils t’ont jugé égaré, tu les as jugé mauvais innovateurs et ils t’ont jugé à leur tour mauvais innovateur. Ces qualificatifs t’ont atteint et nous ont atteint de sorte que tu as éprouvé le besoin de partir et de les quitter. Mais ceci n’est pas une décision fondée parce qu’il n’y a pas quelqu’un qui soit raisonnable sans qu’il ait ce avec quoi il peut contourner les difficultés jusqu’à ce que Allah Lui accorde une issue. L’Imam As–Samtyy avait dit : « Je m’étais déjà résolu à faire ce qu’il me dirait ». Puis l’Imam Abou Hanifah a poursuivi et a dit, que Allah lui fasse miséricorde et c’est à partir d’ici qu’il a commencé les recommandations :
« Lorsque tu entreras à Al-Basra et que les gens t’accueilleront, lorsqu’ils te rendront visite et auront connu ta juste valeur, accorde à chaque homme d’entre eux son juste mérite. Honore les gens qui sont d’une descendance honorée et traite avec beaucoup de respect les gens de science. Respecte les plus âgés et agis avec douceur avec les plus jeunes. Approche-toi des gens du commun et sache comment contourner les pervers. Cherche la compagnie des meilleurs et ne néglige pas le gouverneur. Ne méprise personne et ni personne qui vient à toi, ne manque pas d’établir des liens d’amitié avec eux sans dévoiler ton secret à personne. N’ai confiance en la compagnie de personne jusqu’à ce que tu l’ai éprouvé et n’utilise pas comme serviteur quelqu’un de stupide ni quelqu’un de vile. Ne dis pas des paroles telles que le sens apparent soit une source de blâme pour toi et garde-toi d’être familier avec les vilains et les vulgaires. Ne réponds à aucune invitation et n’accepte aucun cadeau. Sache comment utiliser les formules pour confirmer et échapper aux pièges et fais preuve de patience. Sois de ceux qui supportent, fais preuve d’excellence de comportement et de bonté de cœur. D’autre part, mets de beaux habits, utilise beaucoup de parfum et fais en sorte de tenir de nombreuses assemblées et que ces assemblées soient dans des temps bien connus. Consacre pour toi un moment de solitude qui puisse te permettre de réparer tes affaires personnelles. Cherche à avoir des nouvelles de ceux qui sont à ton service. Agis pour les corriger et les éduquer en utilisant pour cela la douceur. Ne sois pas de ceux qui font souvent des reproches car par la suite le reproche ne ferait plus son effet. Fais en sorte que cela ne soit pas toi-même qui les éduques parce que ceci contribuerait à ce que tu n’inspires plus le respect, en d’autres termes, si tu les éduquais d’une manière assez sévère, fais en sorte que ça ne vienne pas directement de ta part. D’un autre côté, préserve toujours le respect que tu inspires. Persévère sur tes prières et donne de ta nourriture parce qu’il n’y a pas un avare qui soit devenu maître. Ceci est un moyen par lequel tu connaîtras la réalité de l’état des gens parce que toutes les fois que tu ? ? et que tu auras connaissance qu’il y a un bien, alors augmente en désir d’obtenir ce bien. Rends visite à ceux qui te visitent et à ceux qui ne te visitent pas et agis en bien à l’égard de celui qui agit en bien avec toi tout comme avec celui qui agit en mal. Fais preuve de pardon, ordonne le bien et détourne-toi de ce qui ne te concerne pas. Délaisse tous ceux qui te font du tort. Sois de ceux qui réparent les droits. Celui d’entre tes frères qui tombe malade, rends-lui visite de toi-même et demande après lui régulièrement par l’intermédiaire de gens que tu envoies. Celui d’entre eux qui s’absente, cherche à avoir de ses nouvelles et celui qui te délaisse un temps, n’agis pas mal envers lui et recherche après lui. Maintiens les liens avec ceux qui ne les ont pas maintenus avec toi, honore celui qui vient à toi, pardonne à celui qui t’a fait du mal et à celui qui parle de toi en mal, parle de lui en bien. Si quiconque parmi eux vint à mourir, assures les droits qu’il a. Celui à qui arrive une joie, félicite-le pour cette joie et celui d’entre eux à qui arrive un malheur, présente-lui tes condoléances. Celui à qui il arrive un chagrin, sois solidaire avec lui pour endurer avec lui ce chagrin et celui qui recherche ton aide pour une de ses affaires, tiens-toi à ses côtés. Celui qui recherche ton secours, viens à son secours et celui qui cherche à ce que tu sois son allié alors sois son allié. Agis en montrant la recherche de l’amitié et de l’amour tant que tu le peux et adresse le salam même si ce sont des gens stupides. Quand tu te tiens dans une assemblée avec des gens qui n’ont pas le même avis que toi, si tu te retrouves avec eux dans une même mosquée et que les questions ce sont succédées, qu’ils y ont débattu et ont donné un avis différent du tien, ne leur montre pas de divergence. Si tu es interrogé au sujet de ces questions, réponds par ce que les gens connaissent, ensuite tu dis qu’il y a un autre avis sur cette question-là et sa preuve. C’est avec cette preuve-là, lorsqu’ils l’entendront de toi, qu’ils sauront ton degré et ta juste valeur. Et s’ils te demandent : « C’est l’avis de qui ? » dis : « C’est l’avis de certains savants ». [2] Et lorsqu’ils accepteront cela, qu’ils s’y seront habitués et qu’ils auront connu ta juste valeur, lorsqu’ils t’auront accordé un degré important, donne à chacun de ceux qui viendra à toi une sorte de science qu’ils étudieront. Ainsi, chacun d’entre eux pourra en avoir une part. Donne-leur de la science la plus glorieuse avant les détails. Tiens leur compagnie et plaisante avec eux de temps à autre. Discute avec eux parce que c’est une source de renforcement des liens qui prolonge l’assiduité à apprendre la science. Donne-leur à manger de temps à autre. Règle leurs affaires. Reconnais leur degré. Fais comme si tu n’avais pas vu leurs éventuels dérapages. Sois doux avec eux et pardonne-leur. Ne manifeste à aucun d’entre eux un ennui ou une quelconque lassitude. Sois comme si tu étais l’un d’entre-eux. Accepte d’eux ce que tu acceptes de toi-même. Agis avec les gens tout comme tu agirais avec toi-même. Aide-toi contre ton nafs en la préservant et en contrôlant ses différents états. Ne perds pas patience avec celui qui ne perd pas patience avec toi. Délaisse tout ce qui est anarchique. Ecoute de celui qui écoute de toi et ne charge pas les gens dont ils ne te chargent pas. Accepte pour eux ce qu’ils ont accepté pour eux-mêmes. Fais en sorte que tu aies toujours la bonne intention. Utilise la véracité. Délaisse l’orgueil. Garde-toi de la trahison même s’ils te trahissent. Rends ce qui t’a été confié et acquitte-toi de ce dont tu es chargé même si on ne fait pas de même avec toi. Attache-toi à la fidélité et attache-toi à la piété. Agis avec les différentes religions selon ce qu’ils agissent avec toi. [3]
Si tu t’attaches à ma recommandation que voici, j’espère pour toi qu’ainsi tu seras sauvé. Tu vivras sauf ‘in cha’a l-Lah wa ta^ala. De plus, je suis très triste de te quitter parce que t’avoir connu est quelque chose qui m’a fait beaucoup plaisir. Alors garde le contact avec moi par tes écrits. Fais-moi connaître quels sont tes besoins. Sois avec moi comme un fils parce que je suis avec toi comme un père. »
Youçouf Ibnou Khalid As–Samtiyy a dit : « Ensuite, il m’a amené des dinars, un habit et des provisions et il est sorti avec moi. Il a fait porter cela par un porteur. Il a réuni ses compagnons pour qu’ils m’accompagnent un peu sur la route. Il est monté avec eux jusqu’à ce que nous soyons parvenus au rivage de l’Euphrate. Ensuite, ils m’ont salué et je les ai salués.
Le bienfait et la grâce de Abou Hanifah, que Allah lui fasse miséricorde, par cette recommandation pour moi et son bienfait sont plus éminents que toute autre grâce qui m’ait été accordée.
Je suis arrivé à Al-Basra et j’ai appliqué ce qu’il m’a dit. Il ne fallut que peu de temps pour que tout le monde devienne des amis pour moi. J’ai pu prendre des assemblées et l’école de Abou Hanifah à Al-Basra a prévalu. Tout comme cette école a prévalu à Al-Koufah, l’école de Abou Hanifah, et au détriment de l’école de Al-Haçan Al-Basriyy et de Ibnou Sirin c’est-à-dire que l’école de Al-Haçan Al-Basriyy et de Ibnou Sirin ont disparu.
Voilà quelle fut la recommandation de Abou Hanifah à son élève.
Si nous étudiions chacune de ces expressions, nous trouverions cette expression soit dans le hadith du Messager de Allah, salla l-Lahou ^alayhi wa sallam, soit dans le Livre de Allah. Et si nous réfléchissions sur les propos de Abou Hanifah, nous retrouverions tout cela dans les caractères et les recommandations de notre Chaykh. C’est comme si tu retrouvais tout ce qui a été cité en notre Chaykh.
C’est pour cela qu’il convient de prêter attention et de s’appliquer à ce qui vient d’être cité parce que ceci rapproche celui qui est proche avant de rapprocher celui qui est loin. Voilà ce qui t’évitera les dérapages et t’évitera de mal agir envers les gens.
[1] Abou Hanifah avait eu un dévoilement sur son élève et ceci fut un prodige pour notre maître Abou Hanifah.
[2] [Ca c’est selon l’école de l’Imam Abou Hanifah. Dans le passé en effet, Al-Basra n’était pas sur la voie de l’Imam Abou Hanifah, elle était sur la voie de l’école de Al-Haçan Al-Basriyy. Mais à cause de As–Samtiyy les gens ont changé et ils ont adopté l’école de Abou Hanifah.]
[3] Le Chaykh a dit : c’est-à-dire ce qui comporte un profit et qui ne comporte pas de nuisance.